Réflexion sur les annulations de dernière minute

et les rendez-vous non honorés

Dr Jean-Marc Mantel

Un article publié dans Nervure, Journal de Psychiatrie, décembre 2004-janvier 2005


En tant que médecin recevant exclusivement sur rendez-vous, nous nous posons fréquemment la question de l'attitude juste par rapport aux personnes qui ont pris rendez-vous et annulent à la dernière minute, ou bien ne viennent pas sans avoir annulé le rendez-vous.

Nous mettons bien sûr de côté les empêchements majeurs de dernière minute, qui sont tout à fait imprévisibles. Ce n'est d'ailleurs qu'une situation rare, concernant les rendez-vous non honorés.

La motivation

La première question qui vient à l'esprit est celle de la motivation. Des entretiens psychothérapiques visant à une meilleure compréhension de soi-même nécessitent un investissement important de temps et d'énergie, tant pour le patient que pour le médecin, et parfois d'argent, dans le cas où les soins ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale.

Ils ne peuvent pas s'envisager si la motivation est tiède, induite par l'entourage, avec une part de soi-même qui est intéressée et une autre part qui refuse. Dans ce cas, l'annulation de dernière minute est souvent le reflet de cette non-priorité, de cette non-urgence, qui fait que l'on va toujours trouver un événement plus important qui aura priorité sur le rendez-vous.

Soyons clairs avec nous-mêmes. La motivation est un point central. Rien ne se fait sans une mobilisation d'énergie conséquente. Si la motivation n'est pas suffisante, mieux vaut marquer un temps d'arrêt et attendre. Il se peut que nous n'ayons pas vraiment besoin de ces entretiens, ou bien le besoin va se manifester plus tard et s'imposera comme quelque chose d'impératif.

Les prétextes

Souvent, nos emplois du temps sont "surchargés". N'est-ce pas aussi pour cela que nous sommes "malades", que nous souffrons de ces trop-pleins, de cette absence de respiration dans notre corps et dans notre vie ?

Là aussi, un rendez-vous annulé pour cause de "surcharge" est le signe d'une demande non mature et d'une habitude de ne pas laisser d'espace entre les événements, une sorte d'angoisse du vide qui nourrit et contribue à la peur et à la souffrance dont nous nous plaignons.

De nombreux prétextes sont souvent mis en avant, alors qu'en fait c'est le besoin, la motivation, qui ne sont pas présents. Faisons face à nos besoins et notre vie pourra être guidée par plus d'authenticité avec nous-mêmes et avec les autres.

Le règlement de compte

Il n'est pas rare qu'un rendez-vous non honoré soit la manière dont un patient manifeste son désaccord avec le thérapeute, une manière de régler ses comptes pour une ou des paroles qu'il lui reproche, ou pour une attitude générale dont il n'est pas satisfait.

Dans ce cas, l'annulation de dernière minute vient exprimer une rupture qui ne pouvait pas être formulée autrement.

La colère

La colère est ainsi souvent présente, de manière latente ou patente.

Mais le médecin a aussi à faire face à sa propre colère, à son mécontentement, le sentiment de ne pas être respecté, honoré comme il se doit. Son ego est alors sollicité. A lui de constater ces tendances, et de se libérer de ses propres projections mentales, de son avidité pour l'argent qu'il aura ainsi perdu et pour la reconnaissance qu'il mendie.

Le paiement

La question qui se pose aussi est celle de savoir qui doit payer pour ces rendez-vous non honorés.

Nous demandons aux personnes venant consulter d'annuler leurs rendez-vous au moins 48 heures à l'avance, ce qui permet qu'un autre patient puisse être contacté, s'il y a une liste d'attente, pour lui proposer cette date.

Une annulation quelques heures avant la consultation ne peut pas être remplacée, les gens n'étant généralement pas disponibles au pied levé.

Qui donc doit payer ?

Epilogue

Tout ce nous faisons aux autres, nous le faisons à nous-mêmes. Notre manque de considération envers l'autre n'est que le reflet du manque de considération dont nous faisons preuve envers nous-même. De même que le respect que nous manifestons envers l'autre reflète le respect que nous manifestons envers nous-même. Les anciens textes nous le rappellent en nous invitant à ne pas faire à l'autre ce que nous ne voudrions pas qu'il nous soit fait.

Ces quelques réflexions "sur le vif" concerne ainsi une question sensible qui mérite d'être réfléchie et, éventuellement, discutée avec le médecin.

Compte-tenu qu'il n'y a pas de législation, en France, concernant ces questions, à vous donc de vous positionner et d'agir en votre âme et conscience !

N'hésitez pas à me faire part de vos opinions et suggestions. Elles seront appréciées et permettront d'approfondir notre compréhension.